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Projet de décret de protection de caribou : 5e lettre à Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada



Sacré-Coeur, le 25 juillet 2024,


Monsieur le Premier Ministre,

 

Votre gouvernement serait-il insensible aux graves menaces qui pèsent sur nos travailleurs, nos citoyens et nos communautés ?

 

Nous vous avons fait parvenir jusqu’à présent quatre lettres en vue de vous sensibiliser aux impacts catastrophiques que pourrait engendrer l’adoption du projet de décret préparé par votre ministre de l’environnement sur les travailleurs, les citoyens et les communautés de notre milieu. Nous n’avons toujours reçu aucune réponse de votre part…


Tel que le gouvernement du Québec le confirme hors de tout doute dans la lettre qu’il vous a transmise hier, les impacts d’un tel décret seraient dévastateurs. Les responsables de notre équipe ont établi qu’une baisse de 50% à 60% des approvisionnements de notre organisation en découlerait, ce qui engendrerait sans contredit la fin des opérations de Boisaco, de même que de celles de toutes les autres entreprises de 1ère, 2e et 3e transformation qui gravitent autour. Il est important que vous sachiez Monsieur le Premier Ministre que, contrairement à ce que Monsieur Guilbeault et certains autres intervenants se permettent d’affirmer, il serait impossible de remplacer les volumes perdus par d’autres volumes en provenance de territoires d’approvisionnement voisins. La distance d’où proviennent les approvisionnements constitue en effet l’un des principaux facteurs limitatifs pour pouvoir conserver un scénario d’approvisionnement économiquement viable et réalisable. La réalité propre à notre situation fait en sorte que nous sommes déjà à la limite de ce qu’il est possible de faire en ce sens. Nous savons de quoi nous parlons. Toutes les allégations faisant référence à la possibilité de remplacer les volumes qui pourraient être perdus par des volumes en provenance d’autres secteurs sont non-fondées et elles démontrent une profonde méconnaissance de la géographie de notre région ainsi que de la situation réelle de notre organisation.


Quant aux grandes idées selon lesquelles il serait indispensable de planifier une transition de nos métiers (vers quoi ?), celles-ci relèvent également d’une forme de pensée magique, d’autant que le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) énonce que l’aménagement forestier durable peut jouer un rôle clé en matière d’atténuation des changements climatiques.

Ce chiffre [de 4%] a été lourdement instrumentalisé par les détracteurs de notre secteur d’activité afin de minimiser les impacts réels.

Autre preuve d’un manque cruel de maîtrise des principes de base en foresterie : le chiffre de 4% de baisse de possibilité forestière à l’échelle de la province, calculé par le Forestier en chef du Québec. Ce chiffre a été lourdement instrumentalisé par les détracteurs de notre secteur d’activité afin de minimiser les impacts réels. En réalité, ce 4% se traduit par plus de 12% sur la Côte-Nord et plus l’échelle se rétrécit, plus les impacts sont exponentiels. C’est ainsi que nous en arrivons à cette baisse de 50% à 60% de nos approvisionnements chez Boisaco. Lorsque l’on ne maîtrise pas certaines notions, il est généralement préférable de s’abstenir de les commenter. Il en va de la bonne compréhension des enjeux par le public en général, considérant l’importance d’un sujet aussi complexe et sensible.


Par ailleurs, nous tenons à vous informer qu’aucune somme d’argent ne pourra compenser les impacts catastrophiques que pourrait engendrer une telle baisse des approvisionnements. Nous ne souhaitons en effet aucunement être au crochet de l’état… Nous souhaitons plutôt continuer à gagner nos vies, faire vivre nos familles et assurer le développement durable de notre milieu, par le biais de la mise en valeur de manière durable et responsable de la ressource ligneuse. N’oublions pas que le bois constitue le matériau le plus écologique qui soit et que l’aménagement forestier constitue le seul outil à la disposition des êtres humains pour améliorer la résilience des forêts, en plus de contribuer à la lutte contre les changements climatiques.


Considérant qu’aucune donnée d’inventaire fiable et précise n’a permis d’établir une réelle tendance de l’évolution du nombre de caribous présents dans le secteur Pipmuacan, comment peut-on justifier le recours à la notion de « menace imminente » et à celle « d’urgence » dans le cadre de l’adoption d’un décret dont les conséquences seront catastrophiques et irréversibles ? Votre gouvernement n’est pas plus justifié d’adopter un décret cette année qu’il ne l’était l’année dernière, lorsqu’il déclarait le 21 juillet 2023 : « ayant pris en considération les facteurs sociaux, économiques, politiques et autres, y compris l’intérêt public général, le gouvernement du Canada a refusé de prendre un décret ».


Il ne s’agit pas d’une « campagne de peur », Monsieur le Premier Ministre, les menaces pouvant découler de ce décret sont bien réelles. Nos travailleurs, nos citoyens et nos communautés sont très inquiets… Nous n’accepterons pas de nous retrouver de nouveau dans le même contexte de misère, de pauvreté et de détresse qui a caractérisé notre milieu entre 1982 et 1985, avant la fondation de Boisaco. Votre gouvernement est-il conscient des potentiels drames humains qui pourraient découler de l’adoption de ce décret ? Votre gouvernement souhaite-t-il vraiment avoir sur la conscience la décimation de communautés entières ? Le poète Alphonse de Lamartine disait : « On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en a pas. »


Votre gouvernement a le choix : soit il sombre dans la vision des fantasmes idéologiques de Monsieur Guilbeault, soit il fait preuve de sa capacité à gouverner de manière logique, lucide et éclairée, en mettant fin à cette menace de décret. Il existe des solutions évolutives et adaptatives qui tiennent compte d’un ensemble de facteurs défavorables au caribou tout en minimisant les impacts pour nos travailleurs et nos communautés. Pour cela, il faut éviter d’agir de manière compulsive, sortir des visions extrémistes et se donner le temps d’en discuter en concertation avec tous les intervenants concernés.


Steeve St-Gelais                              André Gilbert ing.f.

Président                                            Directeur général

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