Sacré-Coeur, le 3 juillet 2024,
Monsieur le Premier Ministre,
Votre gouvernement est-il conscient qu’il pourrait sacrifier nos travailleurs, nos citoyens et nos communautés ?
À la lecture du document de travail sur la portée d’un décret fédéral pour la protection du caribou, nous dressons le constat suivant : on peut sortir le Ministre du milieu militant mais le militantisme n’est jamais sorti du Ministre.
Sur la forme, nous avons été frappés par l’usage du champ lexical « de la destruction et du dommage » associé à la récolte forestière, considérant que le Québec est doté de règles parmi les plus strictes au monde en matière d’aménagement forestier et que les surfaces récoltées entrent ensuite en régénération. À l’image des propos véhiculés par certains groupes militants, de multiples fausses perceptions se retrouvent encore une fois dans ce document de travail.
Les impacts pourraient compromettre carrément l’existence du groupe Boisaco.
Sur le fond, il est clair qu’aucune étude d’impact socio-économique n’a été réalisée avant de présenter ces vagues données. En observant la carte présentée pour le secteur du Pipmuacan, nous comprenons rapidement que les impacts pourraient compromettre carrément l’existence du groupe Boisaco, incluant celle de toutes les entreprises de 1ère 2e et 3e transformation qui y sont associées. Les superficies de protection envisagées couvrent en effet près de 40% de la totalité des superficies dédiées à l’aménagement forestier du territoire d’où proviennent nos approvisionnements historiques. Ces impacts se feraient sentir dès cette année, alors qu’environ 70% des volumes de notre garantie d’approvisionnement annuelle pourraient être compromis par un tel décret. Ce scénario entraînerait une réaction en chaîne aux conséquences catastrophiques en matière d’emploi et de vitalité dans toute la MRC de la Haute-Côte-Nord, qui est déjà en proie à de graves enjeux socio-économiques.
Concernant la situation du caribou, nous tenons à rappeler une fois de plus l’importance cruciale d’étudier toutes les solutions possibles en ayant en main des données fiables et précises sur l’état des populations. Pour celles du secteur Pipmuacan, les trois seuls inventaires (1999 : 199 individus, 2012 : 300 individus, 2020 : 225 individus) n’ont pas été réalisés à des intervalles réguliers, ni sur les mêmes superficies. Bien que le taux de recrutement mesuré en 2020 soulève certaines préoccupations, la science prévoit que des inventaires réguliers (espacement maximal de 3 à 5 ans) sur un territoire bien défini et constant, sont indispensables pour pouvoir disposer d’un portrait juste de l’évolution des populations. Il s’agit d’un prérequis incontournable pour pouvoir analyser adéquatement la situation et prendre des décisions éclairées. Aussi, et en dépit des mesures visées par le décret, le taux de perturbation ne descendrait pas en dessous de 50% dans le secteur du Pipmuacan pour plusieurs décennies. Enfin, la migration des espèces vers le nord est un facteur à considérer, tel que certaines études le prouvent hors de tout doute. Ce phénomène est d’ailleurs amplifié considérablement avec l’accélération des changements climatiques. L’orignal abonde dans nos forêts et on observe dorénavant des chevreuils dans des secteurs situés plus au nord, tel qu’à Labrieville. Considérant tous ces faits, comment votre gouvernement peut-il justifier une intervention d’« urgence » dont les conséquences seront catastrophiques et irréversibles ?
Votre gouvernement n’a-t-il pas ce devoir de gouverner en prenant en compte l’ensemble des enjeux et des préoccupations, au lieu d’appliquer une vision unilatérale a l’instar de celle appliquée par Monsieur Guilbeault ?
Il serait par ailleurs nécessaire de recueillir des données précises sur la chasse de subsistance, le braconnage ainsi que sur la prédation naturelle par les loups et les ours. Dans l’ouest canadien, certaines politiques de contrôle des populations de loups ont permis de faire bondir les effectifs de caribous de 52% depuis 2020. Cette piste de solution pourrait permettre d’augmenter la population de caribou du Pipmuacan, tout en appliquant d’autres mesures visant à préserver l’habitat du caribou et ce, en s’assurant d’éviter les impacts pour les travailleurs, les citoyens et les communautés. Votre gouvernement n’a-t-il pas ce devoir de gouverner en prenant en compte l’ensemble des enjeux et des préoccupations, au lieu d’appliquer une vision unilatérale a l’instar de celle appliquée par Monsieur Guilbeault ?
Il faut sortir de la vision manichéenne...
La situation du caribou n’est pas une fatalité… Il est possible de concilier protection du caribou et maintien de la vitalité de notre milieu. Mais pour cela, il faut sortir de la vision manichéenne... Votre gouvernement doit faire preuve d’ouverture et d’honnêteté vis-à-vis des populations qui vivent de la forêt, et ce pour garantir à toutes et tous, y compris à la biodiversité, un avenir durable. Chose certaine, nos travailleurs, nos citoyens et nos communautés n’accepteront pas d’être l’agneau sacrifié sur l’autel d’un militantisme sans nuance.
Steeve St-Gelais André Gilbert ing.f.
Président Directeur général